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Le dernier voyage de Monsieur Imprévisible

Par Élisabeth Poirier, Lac-Mégantic, étudiante au DEC en sciences de la nature au CECLM

Ces routes interminables et sinueuses l’avaient toujours fasciné. Il avait réussi à faire fortune très rapidement, il était la représentation du rêve américain. Grâce à cela, il avait tout vécu, tout vu. Parce qu’il avait tout vu, il pouvait tout faire. Cependant, il savait que s’il partait pour ce long voyage, il ne reviendrait pas. La vérité, c’est qu’il avait peur de ces grands arbres matures, voutés, intimidants. Or, aujourd’hui, il n’avait plus envie d’avoir peur. Il embarqua alors dans sa voiture luxueuse qui ne demandait qu’à se faire pousser à sa limite et partit au travers des érables en feu, si caractéristiques de la saison éphémère de l’automne coloré.

Au fur et à mesure qu’il roulait, il se sentit happé par une vague de quiétude à laquelle il ne s’attendait pas. Il avait vécu toute sa vie en ville, dénigrant la campagne et ses petits coins perdus. Il avait toujours détesté ces champs agricoles à perte de vue et ces habitants ermites, semblables à des fantômes rôdant dans à peine vingt kilomètres carrés. Il avait oublié à quel point la nature, régnant en maîtresse absolue sur ces grands territoires perdus, était fascinante…

Sa compagne de l’époque ne l’avait jamais réellement compris, ou peut-être ne pouvait-elle guère admettre que son homme soit aussi solitaire. Il se souvenait bien de l’étonnement dans les yeux de ses collègues quand il leur avait annoncé sa démission, puis de leur stupeur quand il avait répondu à la question « pour faire quoi ? » : « je n’en sais rien. »

Aujourd’hui, la nature était magnifique et l’eau miroitante reflétait sa voiture noire. Elle ressemblait à une panthère, perdue au milieu d’une route bordée par une forêt, se préparant pour un hiver ardu et lacérant. Aujourd’hui, il savait pourquoi il avait tout quitté ce jour-là. Aujourd’hui, il avait délaissé son rêve américain. Il se tournait maintenant pour dompter une dernière bête : ces routes sinueuses qui l’avaient toujours intrigué.

Maintenant devenu, lui aussi, un fantôme misanthrope, il disparut dans la grisaille de ce mois de novembre, pour ne jamais revenir.

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